Le vinaigre est principalement produit industriellement de nos jours. Les vinaigres industriels même biologiques, ne peuvent plus nous garantir un vinaigre aux multiples propriétés qu'on lui prêtait ; pour des raisons de rentabilité, ils sont fabriqués de manière ultra-rapide (environ 24 heures) ne laissant pas le temps aux bactéries et à la nature de faire leur travail. Les traitements suivants : filtrage et décantation, privent malheureusement le vinaigre produit industriellement de certaines de ses qualités. On peut leur préférer des vinaigres plus traditionnels faits par des artisans vinaigriers de plus en plus rares ou alors démarrer sa propre production. Ce sera l'objet de ce chapitre.
La fabrication du vinaigre "maison" ne demande aucun matériel indispensable et nécessite très peu de travail, le vinaigre se fait naturellement.
Produire du vinaigre "maison" est facile bien qu'assez long : de 1 à 3 mois en moyenne et nécessite de l'alcool, de l'air et une certaine température. La fermentation, grâce à la bactérie "Mycoderma Aceti" (acétobacter) présente dans la nature, transforme l'alcool du vin en acide à la température ambiante d'environ 30°C en présence continuelle d'oxygène.
L'acide acétique obtenu lors de la fermentation de l'alcool d'un vin est présent entre 3 à 5 % dans un vinaigre commun, maximum 12 % dans certains vinaigres. (La législation française prévoit une teneur acétique minimale des vinaigres de 6 g. par 100 ml). Le degré inscrit sur l'étiquette d'un vinaigre est un degré d'acide et non d'alcool. La teneur en alcool résiduel des vinaigres est limitée (en France) à 1,5 % en volume.
Pendant la fermentation les bactéries acétiques vivantes se rassemblent à la surface du vin pour former une membrane gélatineuse et flasque "la mère de vinaigre" après quelques semaines d'oxygénation à l'air libre. On trouve également l'acide tartique et l'acide citrique en faible concentration dans les vinaigres naturels.
La mère de vinaigre est au départ une pellicule fine et translucide qui se fripe au moindre contact. Petite à petit, ce film s'épaissit et ressemble à une masse visqueuse constituée par la prolifération des ferments acétiques. La mère surnage à la surface du récipient, elle s'adapte à la forme du contenant dans lequel elle vit.
Au départ très fine, elle s'épaissit jusqu'à devenir une peau épaisse, gélatineuse et ferme, parfois de plusieurs centimètres. Si la mère se multiple trop, donner ou jeter les mères inférieures et garder la mère supérieure, qui est la plus active.
La production de vinaigre n'est possible que si la mère flotte à la surface. (Si elle venait à couler, il faut essayer de la repositionner au dessus du liquide).
Lorsque l'accumulation devient trop importante, ces bactéries meurent et tombent au fond du vinaigrier.
La masse rougeâtre et gélatineuse qui coule dans le fond du vinaigre meurt par manque d'oxygène, c'est une agglomération de bactéries mortes. La conserver est inutile.
La mère de vinaigre est comestible. Sa ressemblance avec la consistance d'un abat ne la rend guère appétissante.
Il faut éviter que la mère de vinaigre soit en contact avec des produits ménagers (produits lessiviels, désodorisants, insecticides).
Fabriquer un vinaigre à partir d'une piquette ne donnera pas un bon vinaigre car la qualité d'un vinaigre tient essentiellement à la qualité de la matière première. Certains vins contiennent des conservateurs ou autres additifs peu favorables à la réussite du processus. Ne choisissez pas un vin bouchonné !
Plus le vin est jeune plus l'acétification est rapide. Le degré alcoolique du vin ne doit pas être trop élevé pour démarrer une production. L'action des bactéries serait ralentie par un vin à fort degré alcoolique. Préférez si possible un vin sec.
Pour les perfectionnistes, le pH idéal d'un vin destiné à devenir un vinaigre est compris entre 3,5 à 5. (Le pH se mesure à l'aide d'un ph-mètre ou de languettes de papier se colorant souvent de jaune à rouge).
Un vin pauvre en arômes donnera un vinaigre au goût neutre qu'on pourra facilement aromatiser par la suite.
Un vin blanc ou rosé permet d'obtenir un vinaigre blanc. Le vin rouge teinte la mère de cette couleur.
Pour une production domestique, on laisse souvent faire la nature, l'air apporte les bactéries.
Ajouter à la préparation du vinaigre artisanal non pasteurisé (vivant).
Ajouter une mère ou un fragment de mère.
Il est plus rare mais possible de se procurer dans un commerce spécialisé une culture d'acétobacter.
Un vinaigrier est idéal ainsi qu'un tonnelet ou un fût en chêne monté sur pieds. Mais un récipient opaque : un pot ou une cruche en céramique, en terre cuite ou en grès, un fût en chêne, convient également. A défaut un bocal en verre (sombre si possible) pourra être utilisé mais il faudra absolument le garder à l'abri de la lumière. Ne pas choisir un contenant en métal. Le chêne peut apporter une note boisée au vinaigre. En effet, le bois ajoute ses tanins à ceux du liquide de base. Les réactions s'accomplissent mieux dans un grand fût.
Le vinaigrier ressemble à une cruche ou une amphore à large ouverture, souvent en grès ou en céramique, percé d'un trou dans sa partie inférieure où se niche un petit robinet "la cannelle" avec un joint en liège (pour l'étanchéité) qui permet de soutirer le vinaigre.
Pensez à tester l'étanchéité du vinaigrier en y laissant de l'eau une nuit entière avant d'y verser le vin. Vérifier le bon fonctionnement du robinet. Manoeuvrez le de temps en temps pour éviter un éventuel blocage.
Ce robinet en bois doit être débouché occasionnellement et remplacé si l'étanchéité n'est plus totale, car le vinaigre a tendance à l'attaquer. Le vinaigrier est fermé par un bouchon non étanche parfois en liège car il doit laisser passer l'air, l'oxygène étant nécessaire à la fabrication du vinaigre. Le bouchon de l'ouverture supérieure peut être volontairement mal ajusté afin que l'air circule mieux.
Le vinaigrier est plus pratique qu'un autre contenant parce que la cannelle permet de soutirer le vinaigre par le bas lorsqu'il est prêt. Grâce au vinaigrier la mère n'est pas dérangée lorsque l'on tire du vinaigre. Dans un autre récipient elle risque de plonger dans le liquide lorsqu'on prélève du vinaigre à l'aide d'une louche par le dessus et elle risque de s'abîmer si on prélève le vinaigre par le haut.
Il est préférable que la mère ne tombe pas au fond du récipient.
Garder le récipient à température ambiante, éviter de le bouger. L'air et la chaleur favorisent la production. Une température assez constante d'au moins 20°C dans un endroit sec et aéré convient bien pour faire le vinaigre. La température idéale se situe entre 20 et 30°C. Les bactéries du vinaigre sont inactives au-dessous de 10°C.
Les mouches du vinaigre (les drosophiles) sont attirées par la préparation. Protéger le vinaigrier ou le récipient de préparation avec un bouchon en liège ou un linge propre qui cache la lumière, protège des poussières, tout en laissant passer l'air et en empêchant les insectes de pénétrer et d'abîmer la mère.
Filtrer le liquide si des anguillules (larves de mouches ressemblant à un fin fil à coudre blanc) prolifèrent à la surface.
Pour faire un vinaigre de vin chez soi, choisir une des deux méthodes suivantes :
La qualité du vinaigre obtenu ne dépend pas de la méthode choisie mais de la qualité du vin.
Il n'est pas indispensable de posséder une mère pour envisager de fabriquer son propre vinaigre. On peut choisir de former sa propre mère. Obtenir du vinaigre dans ces conditions nécessitera plus de temps la première fois.
Le vin se transforme en vinaigre s'il est laissé à l'air. Choisir de préférence un vin à faible teneur en alcool (8 à 10° C.). Il faut du temps, prévoir un délai d'environ 2 semaines (au soleil l'été) à 2 mois (l'hiver). Laisser la bouteille de préférence aux trois quarts vide. La boucher uniquement pour l'agiter de temps en temps pendant les huit premiers jours seulement. La bouteille est débouchée au repos le reste du temps.
Dans de bonnes conditions les prémices du voile vont apparaître au bout de deux semaines, les bactéries acétiques vont créer un film à la surface du récipient, c'est à ce moment là qu'on considère que la "mère" est née. Après la naissance de la mère, il faut rajouter délicatement du vin et laisser à nouveau reposer environ 3 semaines avant de prélever du vinaigre.
Il est plus facile de créer une mère à partir de vin rouge que de vin blanc. Cependant on peut envisager de faire du vinaigre blanc en partant d'une mère de vinaigre de vin rouge... mais cela demande beaucoup de patience, de soutirage et de dédoublement de mères.
Voir des explications sur le site chataignes.onze pour faire du vinaigre blanc quand on a une mère de vinaigre rouge.
La mère se constitue plus ou moins vite. Mais si après 3 semaines, le vin n'est pas recouvert par une mère de vinaigre, il est possible de rajouter quelques centilitres de vinaigre pour favoriser le départ de la fermentation.
On peut également créer une mère en préparant dans un vinaigrier ou un récipient opaque, un mélange composé de 1/3 de vinaigre (bio) non pasteurisé ou d'un bon vieux vinaigre et 2/3 de vin. (D'autres proportions sont possibles par ex : 80 % de vin avec 20 % de vinaigre de vin du commerce). Vin et vinaigre doivent être de même couleur. Laisser à température ambiante, si possible entre 25 et 30°C.
La naissance de la mère de vinaigre est confirmée lorsque le mélange sera recouvert d'un film fin à la surface du liquide. La mère qui commence à se former est le signe du début de la fermentation. Après la naissance de la mère, il faudra encore attendre 2 à 3 mois avant d'obtenir du vinaigre.
Les délais sont variables, ils dépendant de la qualité du vin et du vinaigre et des conditions (températures etc… ) .
Il est également possible de préparer un vinaigre à partir de blanc de Champagne, de Xérès, de cidre bouché (le seul cidre à donner du vinaigre), à raison de 2/3 pour 1/3 du vinaigre correspondant.
Pour fabriquer du vinaigre de cidre, choisir un cidre sec non pasteurisé.
Vous trouverez peut être dans votre entourage une personne qui vous fera cadeau d'une mère de vinaigre ou d'un morceau de mère. La mère de vinaigre est vivante, elle se développe et se reproduit et se dédouble facilement, on peut ainsi disposer de plusieurs exemplaires et en offrir autour de soi.
La mère reçue doit rester humide pendant le transport (transportez la avec du vin).
Il arrive parfois qu'on trouve une mère de vinaigre dans une bouteille de vinaigre achetée.
La mère de vinaigre est vivante, il faut la manipuler le moins possible. Eviter les produits lessiviels sur les mains et sur les ustensiles utilisés qui pourraient tuer les bactéries présentes dans la mère.
Avant d'être versé dans le vinaigrier, le vin destiné à la production de vinaigre peut être battu, agité, aéré afin qu'il soit oxygéné. Il est ensuite versé énergiquement dans le récipient.
Pour commencer une première production, placer délicatement la mère de vinaigre à la surface d'un bon vin, rouge ou blanc ou même rosé dans un récipient opaque.
Ce n'est pas facile de la faire flotter sur le vin. Si la mère coule, essayez de la repositionner à la surface. Une astuce peut aider à maintenir la mère en surface : posez sur le liquide deux petits bâtonnets de bois de hêtre utilisés par les médecins pour l'examen de la gorge et posez délicatement la mère par dessus.
Si faire flotter la mère reçue sur votre vin est trop compliqué, vous pouvez choisir une autre solution : presser la mère afin de recueillir tout le vinaigre qu'elle contient. Ajoutez le liquide obtenu riche en bactéries et la mère dans le vinaigrier.
Laisser au repos sans intervention et sans secousse car cette pellicule ne doit pas être précipitée dans le liquide. Déplacer le vinaigrier le moins possible pour ne pas déranger la jeune mère. Entrouvrir de temps en temps le vinaigrier pour laisser bien régénérer l'air. Patienter et laisser agir
La durée pour obtenir son vinaigre dépend de la température et de la saison et de la quantité de vin ajouté. Un long séjour dans le vinaigrier rend le vinaigre meilleur.
Ajouter délicatement au fur et à mesure les fonds de bouteilles, les restes de bons vins. L'idéal est de compléter jusqu'à la partie la plus évasée du vinaigrier (la surface en contact avec l'air étant plus importante). Il est préférable de toujours laisser un tiers du récipient non rempli pour la circulation de l'air. Pour ne pas détruire la mère en formation lors de cette manipulation, on peut introduire jusqu'au fond du récipient, un tuyau en plastique alimentaire sur les bords vers la paroi interne du vinaigrier, mettre un entonnoir et y verser délicatement les restes de vin. Cela permet à la mère de rester en surface. L'augmentation du volume du liquide la soulève. Patientez au moins un mois (jusqu'à 3 mois) pour obtenir un vinaigre consommable. Vérifier la maturité en prélevant un échantillon de votre cuvée.
Le processus étant arrivé à son terme, le vinaigre peut être soutiré en ouvrant le petit robinet du vinaigrier ou prélevé d'un récipient à l'aide d'une louche (en plastique si possible, éviter les ustensiles en métal).
Deux méthodes sont utilisées pour tirer son vinaigre quand il est prêt.
On peut le soutirer au fur et à mesure de ses besoins en complétant du même volume de vin à chaque prélèvement. Dans ce cas ne pas soutirer plus d'un cinquième du volume total. Cela convient mieux lorsqu'on utilise un vinaigrier. Le robinet fonctionne plus souvent et il risque moins de se bloquer.
La seconde consiste à soutirer entre 60 % à 75 % du vinaigre présent dans le vinaigrier et de compléter en une seule fois avec du vin.
Il ne faut pas tirer la totalité du vinaigre obtenu, en effet du vinaigre de la précédente production doit être laissé dans le vinaigrier pour amorcer le processus des préparations suivantes.
Dans les deux cas toute quantité prélevée doit être remplacée par son équivalent en vin. Les restes de bouteilles en fin de repas pourront servir à compléter la préparation.
Recommencer l'opération pour une nouvelle production. La mère de vinaigre continuera de croître à mesure que l'on rajoute du vin.
On peut garder la mère plusieurs années. On peut la dédoubler pour en offrir ou préparer du vinaigre dans un autre contenant car avec le temps elle pourrait finir par remplir le vinaigrier.
Le vinaigre prélevé peut être filtré au travers de gaze médicale ou d'un filtre à café en papier, posé sur un chinois ou une passoire ou d'un filtre perpétuel en nylon réutilisable pour enlever les impuretés. Le vinaigre peut être clarifié en lui faisant traverser de fins copeaux de hêtre.
Le vinaigre soutiré est souvent mis directement en bouteilles préalablement ébouillantées après filtrage.
Mais avant d'embouteiller, il est préférable de vérifier que l'acétification est complète pour éviter qu'une nouvelle mère ne vienne se former dans la bouteille. Le vinaigre soutiré est laissé en attente une semaine. Si aucun voile de surface ne se forme, il sera mis en bouteille.
Si une nouvelle mère se reforme dans votre vinaigre embouteillé, plusieurs solutions s'offrent à vous : l'y laisser, la filtrer, l'offrir à une personne désirant produire son propre vinaigre, l'utiliser pour démarrer une nouvelle production dans un autre vinaigrier par ex.
La production de vinaigre est importante en quantité. Si vous en avez trop pour votre consommation personnelle, n'hésiter pas à en tirer, à remplir des bouteilles ou de jolis flacons, les étiqueter et les offrir.
Le vinaigre se fabrique et se conserve dans un endroit différent de celui où est stocké le vin, la mouche du vinaigre risquerait de contaminer le vin.
Merci de votre visite !